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HORACE &... ROUSSEAU

— Jean-Jacques Rousseau (1712 - 1778) —

 

 

« Horace... est, je crois, le premier qui ait mis l'ode en dialogue; et l'exemple qu'il en a laissé, est un modèle de délicatesse.
C'est l'ode, Donec gratus eram tibi, que M. Rousseau de Genève a imitée en homme de goût dans "Le Devin du village".»

 

Jean-François MARMONTEL
Poétique françoise, 1763

 

 

Le Devin du Village (intermède ou opéra ballet) – 1752

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SCENE VI.
 
COLIN; COLETTE, parée.
 
___________________
 
COLIN, à part.
 
Je l'aperçois... Je tremble en m'offrant à sa vue...
... Sauvons-nous... Je la perds si je fuis...
 
COLETTE, à part.
 
Il me voit... Que je suis émue!
Le coeur me bat...
 
COLIN.
 
Je ne sais où j'en suis.
 
COLETTE.
 
Trop près, sans y songer, je me suis approchée.
 
COLIN.
 
Je ne puis m'en dédire, il la faut aborder.
 
(à Colette d'un ton radouci, et d'un air moitié riant, moitié embarrassé.)
 
Ma Colette...êtes-vous fâchée?
Je suis Colin, daignez me regarder.
 
COLETTE, osant à peine jeter les yeux sur lui.
 
Colin m'aimait, Colin m'était fidèle:
Je vous regarde, et ne vois plus Colin.
 
COLIN.
 
Mon coeur n'a point changé; mon erreur trop cruelle
Venait d'un sort jeté par quelque esprit malin:
Le Devin l'a détruit; je suis, malgré l'envie,
Toujours Colin, toujours plus amoureux.
 
COLETTE.
 
Par un sort à mon tour je me sens poursuivie.
Le Devin n'y peut rien.
 
COLIN.
 
Que je suis malheureux!
 
COLETTE.
 
D'un amant plus constant...
 
COLIN.
 
Ah! de ma mort suivie
Votre infidélité...
 
COLETTE.
 
Vos soins sont superflus;
Non, Colin, je ne t'aime plus.
 
COLIN.
 
Ta foi ne m'est point ravie;
Non, consulte mieux ton coeur:
Toi-même en m'ôtant la vie,
Tu perdrais tout ton bonheur.
 
COLETTE.
 
(à part.) (à Colin.)
Hélas! Non, vous m'avez trahie,
Vos soins sont superflus:
Non, Colin, je ne t'aime plus.
 
COLIN.
 
C'en est donc fait; vous voulez que je meure;
Et je vais pour jamais m'éloigner du hameau.
 
COLETTE, rappelant Colin qui s'éloigne lentement.
 
Colin!
 
COLIN.
 
Quoi?
 
COLETTE.
 
Tu me fuis?
 
COLIN.
 
Faut-il que je demeure
Pour vous voir un amant nouveau?
 
DUO.
 
COLETTE.
 
Tant qu'à mon Colin j'ai su plaire,
Mon sort comblait mes désirs.
 
COLIN.
 
Quand je plaisais à ma bergère,
Je vivais dans les plaisirs.
 
COLETTE.
 
Depuis que son coeur me méprise,
Un autre a gagné le mien.
 
COLIN.
 
Après le doux noeud qu'elle brise,
Serait-il un autre bien?
(d'un ton pénétré.)
Ma Colette se dégage!
 
COLETTE.
 
Je crains un amant volage.
(Ensemble.)
Je me dégage à mon tour.
Mon coeur, devenu paisible,
Oubliera, s'il est possible,
 
Que tu lui fus [ cher / chère] un jour.
 
COLIN.
 
Quelque bonheur qu'on me promette
Dans les noeuds qui me sont offerts,
J'eusse encor préféré Colette
A tous les biens de l'univers.
 
COLETTE.
 
Quoiqu'un seigneur jeune, aimable,
Me parle aujourd'hui d'amour,
Colin m'eût semblé préférable
A tout l'éclat de la cour.
 
COLIN, tendrement.
 
Ah! Colette!
 
COLETTE, avec un soupir.
 
Ah! berger volage, Faut-il t'aimer malgré moi!
 
(Colin se jette aux pieds de Colette; elle lui fait remarquer à son
chapeau un ruban fort riche qu'il a reçu de la dame. Colin le jette
avec dédain. Colette lui en donne un plus simple dont elle était
parée, et qu'il reçoit avec transport.)
 
(Ensemble.)
 
A jamais Colin [ je t'engage / t'engage ]
 
[Mon / Son ] cœur et [ma / sa] foi.
 
Qu'un doux mariage
M'unisse avec toi.
Aimons toujours sans partage;
Que l'amour soit notre loi.
A jamais, etc.
 
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texte complet:
http://un2sg4.unige.ch/athena/rousseau/devin/jjr_devin_frame0.html

(Emile ou De l'éducation)

..... L'homme de goût et vraiment voluptueux n'a que faire de richesse; il lui suffit d'être libre et maître de lui. Quiconque jouit de la santé et ne manque pas du nécessaire, s'il arrache de son coeur les biens de l'opinion, est assez riche; c'est l'aurea mediocritas d'Horace. Gens à coffres-forts, cherchez donc quelque autre emploi de votre opulence, car pour le plaisir elle n'est bonne à rien. Emile ne saura pas tout cela mieux que moi; mais, ayant le coeur plus pur et plus sain, il le sentira mieux encore, et toutes ses observations dans le monde ne feront que le lui confirmer. .....

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