VOIS-TU comme il se dresse, le Soracte blanchi sous une neige épaisse,
comme elles ploient, les forêts, sous leur fardeau, comme ils se figent, les cours d'eau saisis par le gel ?
Éloigne donc la froidure en ravivant le feu par de nouvelles bûches entassées dans l'âtre et n'hésite pas,
cher Thaliarque, à verser plus généreusement ce vin pur conservé depuis quatre ans dans cette amphore sabine.
Tout le reste, abandonne-le aux dieux ; dès qu'ils ont fait tomber les vents qui s'affrontaient sur la mer tumultueuse, ni les cyprès ni les vieux ornes ne bougent plus.
De quoi demain sera fait, évite de chercher à le savoir, et, considère chaque jour qui te sera donné, quel qu'il soit, comme un profit inespéré, quant aux douces amours, quant aux danses, ne les dédaigne pas, ami, aussi longtemps qu'en la fleur de ton âge tu pourras repousser la vieillesse chagrine.
À présent, pars vers le Champ de Mars et les places publiques, retrouve, à l'heure convenue, les tendres chuchotements du crépuscule, à présent, retrouve, cachée en un recoin obscur, la douce amie qui se trahit par son rire charmant, pour lui enlever, du bras ou de la main, le gage qu'elle ne retient qu'en résistant bien mal.
— Thaliarque: personnage imaginaire dont le nom (grec) signifie "le roi du festin" (voir ode I.4)
— le Soracte: petite montagne à quelques dizaines de km au nord de Rome.
Traduction et adaptation: Denys Eissart (2002, rév. 2006), droits réservés [Creative Commons]