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Horace : sa vie et sa pensée à l’époque des Épîtres

par Edmond COURBAUD, (Hachette, Paris, 1914)

 

CHAPITRE II - HORACE ET L'ÉTUDE DE SOI-MÊME


 

II - ÉPÎTRE 1 : A MÉCÈNE

Les difficultés de la situation d'Horace vis-à-vis de Mécène.
Caractère et ton de la lettre : ironie et sérieux. Ce qu'elle annonce de nouveau.


 

 I L semblerait, après ce qui précède, que les sentiments d'Horace pour la philosophie dussent s'exprimer, dès qu'ils en auraient l'occasion, nettement, hautement, sans restriction. On constate, en lisant l'épître qui ouvre le recueil, qu'il n'en est pas ainsi. Le poète fait adhésion à la philosophie, mais son adhésion n'est pas celle qu'on attendait. Il est très sérieux dans ses déclarations ; il est ironique aussi, d'une ironie qui trouble et déconcerte. Le développement suit donc une ligne capricieuse, revient sur lui-même, se dérobe, échappe, quand on croit le tenir; et dans ce manque apparent de logique, certains critiques, comme Ribbeck et L Müller, ont cru découvrir des contradictions réelles et de l'incohérence. De là à prétendre que la pensée de l'auteur avait été altérée, à supposer tantôt des interpolations et tantôt des lacunes, il n'y avait qu'un pas. Il a été vite franchi par ces hardis correcteurs qui, se mettant à la besogne, ont remanié intrépidement le texte, multiplié les conjectures, déplacé des vers, retranché des passages. Des mains de Ribbeck l'épître est sortie méconnaissable pour une bonne moitié. L. Müller a travaillé avec plus de circonspection; mais lui non plus n'a pas pénétré le sens de la pièce. Certains endroits qui lui paraissent interpolés, parce qu'ils sont sérieux et même graves, sont justement les endroits à conserver de préférence, parce qu'ils prouvent la nouvelle attitude d'Horace à l'égard de la philosophie. Au lieu de tant remanier, les deux critiques auraient dû s'efforcer de comprendre les leçons transmises. La tradition, ici, est formelle et l'accord des manuscrits impressionnant. Pour avoir le droit de passer outre, il faudrait qu'on se trouvât en présence d'un texte inexplicable ; ce n'est point le cas. Tout s'explique au contraire, et très bien, pourvu qu'on tienne compte du point de vue historique, c'est-à-dire des circonstances au milieu desquelles la pièce a été composée.

Quand Horace écrivait cette épître, il était, en effet dans une situation très particulière vis-à-vis de Mécène. On sait que la liaison du grand seigneur et du fils d'affranchi avait été assez longue à naître ; mais une fois formée, on ne peut nier qu'elle ne fût devenue une amitié très vive. Horace en témoigne par maints passages de ses écrits. Mécène, de son côté, en a fourni une preuve : plus complète que le cadeau de la propriété de Sabine : c'est de ne s'être point fâché, le jour où Horace lui parla librement et répondit à certaines exigences avec une fermeté qui pouvait paraître excessive. Les quelques mots, d'ailleurs, qui nous restent de lui sur le poète, sont des mots d'affection. Ainsi cette épigramme, dont la fin est obscure, mais dont le sentiment n'est pas douteux : Ni te visceribus meis, Horati, Plus iam diligo...; ainsi ses dernières recommandations à Auguste : Horati Flacci, ut mei, esto memor. Beaucoup de choses les rapprochaient. Ils étaient tous deux poètes, tous deux gens d'esprit, tous deux d'intelligence très libre, exempts de préjugés; ils avaient même dédain de la foule et des opinions vulgaires, même crainte des honneurs et des fonctions publiques, même amour de la vie indépendante, arrangée à sa guise, même horreur de s'étaler, de paraître, de se mettre en scène. C'étaient là pour eux bien des raisons de s'entendre.

Cela ne veut pas dire qu'ils se soient toujours entendus, et sur tout. Une amitié sans nuage n'est probablement pas quelque chose d'humain. Laissons de côté le dissentiment auquel j'ai fait allusion et que nous révèlera l'épître 7 : c'est celui dont on parle le plus volontiers; ce dut être la crise la plus grave, mais ce ne fut qu'un orage. Il y avait entre eux des sujets d'opposition plus constants, comme le montre l'épître 1. D'abord la question de la toilette ; pour Mécène ce n'était pas question sans importance. Mécène était un homme du monde difficile, d'une élégance raffinée, très recherché dans sa mise, mollitiis paene ultra feminam fluens (1), auteur d'un ouvrage de Cultu suo (2), où il faisait sans doute l'apologie de ses modes, tuniques flottantes et robes de pourpre, qu'un siècle après lui on vantait encore comme seules dignes des voluptueux (3). Horace se présentait les cheveux mal taillés, les ongles mal coupés, la toge mal ajustée, avec une chemise usée sous sa tunique neuve (4), et Mécène, suivant la disposition du moment, ou de rire ou de s'irriter.

Puis, c'était le désaccord au sujet de la poésie. Ils l'aimaient peut-être autant l'un que l'autre, mais à coup sûr ils la cultivaient très diversement. Mécène était maniéré dans ses vers, plein d'affectation et de mauvais goût, pénible et obscur à force de recherche. Il se rattachait à l'école laborieuse et tourmentée d'Alexandrie. Auguste, poète médiocre, mais qui du moins aimait le naturel et la clarté, ne manquait pas de railler les mignardises de son style, ses gentillesses d'expressions, ses ornements et ses « papillotes parfumées » (5). Horace était tenu à plus de réserve. Il ne critiquait pas, mais il ne louait pas non plus. Il n'a jamais célébré les vers de son puissant ami : ce silence est suffisamment accusateur. Au fond il avait deux motifs d'être mécontent. Il voyait d'assez mauvais œil en général la littérature des gens du monde: Scribimus indocti doctique poemata passim. (6) A chacun son métier pensait-il et c'est un métier que de faire un livre. Les poètes amateurs ne lui disaient rien de bon. De plus, sa manière d'écrire était loin de ressembler à celle de Mécène, il était tout le contraire d'un alexandrin. Il n'y a, pour ainsi dire, pas trace d'alexandrinisme dans ses œuvres (7). Virgile a sacrifié quelque temps à ce goût suspect ; le ferme bon sens d'Horace et sa critique droite l'en ont toujours préservé. On peut juger, d'après cela, si les calamistri Maecenatis (8) étaient faits pour lui plaire.

Enfin la philosophie les divisait. On ne l'aimait guère dans l'entourage de Mécène. La société élégante qui fréquentait chez lui, était surtout composée de mondains et de politiques, hommes de plaisir et hommes d'action. Le maître de maison lui-même donnait l'exemple, nonchalant épicurien qui savait à l'occasion secouer sa mollesse et s'occuper de la chose publique (9); mais l'étude de la sagesse n'était point son affaire. Or à l'époque de l'épître 1, le poète annonce son intention de se consacrer tout entier à cette étude (omnis in hoc sum) (10). On imagine l'effet que produisit la nouvelle; elle était inattendue. Évidemment, Horace n'avait pas éprouvé le besoin de mettre ses amis au courant de ses réflexions silencieuses; le travail qui s'opérait en lui restait enfermé dans le secret de sa conscience. Évidemment aussi, les apparences lui étaient souvent contraires, et ses intentions, jusqu'alors, valaient mieux que ses actes. Le cercle, étonné, cria presque au scandale. Mécène s'indignait qu'Horace renonçât à la poésie lyrique, qui faisait sa gloire et dont Rome était si fière. Ce sont les Carmina, ne l'oublions pas, qui ont passionné les contemporains; c'est par eux qu'Horace est devenu un poète national et qu'il est entré profondément, comme Virgile, dans l'âme du peuple romain. Quand Mécène, après les trois premiers livres d'Odes, lui en réclamait d'autres, c'était plus qu'un goût personnel de sa part; c'était d'abord une vue d'homme d'État. Ce genre lyrique, où pour la première fois on rivalisait avec la Grèce, genre plein d'éclat qui pouvait prêter sa voix à l'expression des grands sentiments collectifs, il le regardait comme la poésie la plus décorative pour un empire, la plus propre à rehausser le régime nouveau, la plus capable de satisfaire l'orgueil national. Secondant les desseins d'Auguste, il voulait enfermer Horace dans la carrière (11) ; il lui montrait même quels sujets devaient être traités de préférence, sujets historiques et religieux (12), comme il demandait les Géorgiques à Virgile, une tragédie à Varius, des chants patriotiques à Properce. Car tel fut son rôle singulier : ce paresseux poussait les autres au travail; ce mondain, qui écrivait de petits vers alambiqués, tenait à ce qu'on fit autour de lui de grave et sérieuse besogne. Il croyait avoir mis la main sur Horace, une main non pas lourde, mais assez ferme cependant pour que le poète ne se dérobât point à ce qu'on attendait de lui; et Horace lui échappait ! Horace abandonnait le lyrisme, alors qu'on veillait sur sa gloire ! Cet abandon lui semblait presque une désertion.

Le premier mouvement était donc de se fâcher, le second de ne pas ajouter une foi entière aux déclarations du nouveau converti. Horace philosophe ! le seul rapprochement des deux mots était piquant pour qui se rappelait le joyeux compagnon de naguère. Aussi l'accès de mauvaise humeur passé, Mécène s'amuse et plaisante de ces ardeurs de néophyte. Vraiment ? La résolution serait sérieuse ? Et depuis quand ? Et quelle secte a produit ce miracle de changer ainsi un bon vivant en un sage austère ?

Horace est obligé de compter avec cette disposition d’un esprit, peu satisfait si la conversion devait être définitive, mais qui se refuse encore à la croire possible. Il lui faut n'avancer qu'avec prudence, ménager une susceptibilité inquiète, s'expliquer a demi-mot sur la solidité de sa vocation et, bien loin de se froisser qu'on lui oppose quelque doute ironique, entrer dans la plaisanterie pour sourire le premier de ce qu'il dit. De là une allure volontairement hésitante; de là, l'obligation de se reprendre quand il a parlé, d'atténuer à, maintes reprises sa pensée, de revenir sur ses pas. Dès que le ton s'est élevé et que le vers sonne un peu trop grave, un peu trop profond, vite il arrête cet élan et se réfugie dans l'ironie. Toute l'épître 1 doit être considérée comme une réponse à moitié plaisante, à moitié sérieuse, parce qu'elle est faite à un homme à moitié mécontent, à moitié railleur.

Si l'on a bien saisi cette attitude du poète et l'embarras de sa nouvelle situation, si l'on n'oublie pas la nécessité où il est d’exposer ses intentions avec assez de netteté pour qu'il n'y ait pas méprise de la part de Mécène, mais avec assez de tact et d’adresse pour ne pas faire trop de peine à celui qu'il aime, il me semble que tout devient clair, que les contradictions apparentes s'effacent et qu'il n'y a rien à changer dans l'œuvre, telle qu'elle nous a été transmise. Reprenons l'épître entière; une rapide analyse prouvera ce que je viens d'avancer.

Horace commence par protester de son attachement à Mécène, protestation qui après les Satires, les Épodes et les Odes n'est pas nouvelle, mais qu'il est utile de renouveler, pour adoucir l'aigreur d'un refus qui se prépare. Ce refus lui-même n'est pas d'abord énoncé directement; il est présenté à l'aide d'une comparaison, celle du vieux gladiateur qui. a reçu son congé, et enveloppé dans une raison générale à laquelle Mécène ne peut rien objecter : non eadem est aetas, non mens (v.4). Horace n'est plus entièrement libre de chanter ou de ne pas chanter ; pour chanter il faut la jeunesse, et le temps a fait son œuvre; le temps est le grand coupable. Puis une voix lui parle à l'oreille et l’arrêterait encore, s'il n'écoutait déjà les conseils de l'âge. Cette voix, c'est sa conscience, son génie à lui ou son démon, qui avertit son âme et dirige sa volonté. Ainsi, voilà le lecteur ami prévenu : Horace voudrait bien lui être agréable; mais il obéit à des influences plus fortes que son désir, et, parmi ces influences, les préoccupations morales sont. indiquées comme devenant prépondérantes.

C'est seulement au vers 10 que, sans plus user de comparaison ni de détour, il annonce enfin ses projets pour l'avenir. Il dit adieu à la poésie, du moins au seul genre qui méritait ce nom dans son œuvre, au lyrisme, – car l’épître, où il s'exercera encore, n'est pas plus de la poésie que n'en étaient les satires (sermo merus) , – et s'il quitte les Carmina, c'est afin de s'absorber désormais dans la recherche du bien moral, du vrai et de l'honnête. Cette fois, le grand aveu qui lui coûtait, est lâché ; et du coup, ayant pris sur lui de faire cet effort, il ne craint même pas de marquer un certain dédain pour ces vers dont il ne veut plus. Le lyrisme, qu'il a l'air maintenant de restreindre à la poésie légère, à l'ode amoureuse et bachique, et la vie de plaisirs que ce lyrisme suppose, tout cela, jugé du haut de la philosophie, n'est plus à ses yeux que badinage et frivolité (ludicra).

Mais à peine a-t-il parlé, qu'il s'interrompt. Ne va-t-il pas trop loin, et que pensera Mécène ? Car il croit entendre aussitôt Mécène lui demander railleur : « Quelle est donc l'école qui a su faire une si belle recrue ? » Comme il prévoit la question et devine la moquerie, il se hâte de répondre, et sa réponse est modeste; il cherche à désarmer par avance son critique : « Qu'on ne s'imagine pas qu'il soit d'une école ! Il n'appartient à aucune. Où le hasard, où le vent le pousse ; il s'arrête, hôte d'un jour, pour reprendre sa course le lendemain. » Il n'est pas de ces philosophes redoutables, qui se fixent à une doctrine, comme on se cramponne à un rocher dans la tempête (13). Remarquez les expressions, toutes destinées à calmer des craintes: Ac ne forte roges quo me duce, quo lare tuter, Nullius addictus iurare in verba magistri (v.13-14). Il ne suit aucun chef, ne jure sur la parole d'aucun maître; il n'a nulle part un abri, un toit fixe qui le protège. Or, c'est quand on s'enrôle dans une troupe qu'on s'assure une position forte, ou quand on se retranche dans une place : celui qui fait son parti seul, est exposé à succomber. Donc Horace, isolé, est un faible. Incapable de s'attacher à Zénon d'une prise assez vigoureuse, il se constitue un moment le défenseur de la plus rigide vertu, la vertu stoïcienne, la seule vraie (virtutis verae custos v.17); mais il retombe bientôt, sans même s'en apercevoir, dans les préceptes d'Aristippe. Décidément, il est encore loin d'être un sage accompli ; cette sagesse dont il se pique est singulièrement errante et incomplète: Mécène a de quoi se réjouir et se tranquilliser.

Si telle est la marche de l'épître, si nous y suivons pas à pas les hésitations du poète dans , une confession délicate, ses pointes en avant et ses retours en arrière, l'on ne comprend pas pourquoi Ribbeck a rejeté tous les vers 13-20 après le vers 26. C'est une transposition absolument inutile, et tout ce qui est inutile est mauvais. Le développement s'explique, de façon très naturelle, à la place que donnent les manuscrits: il l'y faut laisser.

La suite nous montrera chez Horace le même va-et-vient de la pensée, le même jeu de bascule, pour ainsi dire, entre la philosophie qui l'attire et Mécène qui le retient. Ses goûts ; ses ardeurs le portent vers celle-là ; son amitié et la crainte de déplaire le ramènent à celui-ci. C'est un nouvel élan vers la philosophie que marquent les vers 20-26 : ut nox longa quibus mentilur amica, etc. Si grande même est alors l'impatience, l'impétuosité de son désir, qu'il croit ne pouvoir mieux se comparer qu'à l'amant privé de sa maîtresse. Il multiplie, d'ailleurs, les comparaisons; il est le mercenaire pressé d'avoir fini sa tâche quotidienne, le pupille qui trouve longues les années de tutelle. Plus haut, il laissait espérer à Mécène que tout n'était point encore perdu; le voici qui donne maintenant à entendre que sa vocation est profonde; elle n'est pas un caprice ni une simple curiosité de l'esprit : le cœur y est intéressé. Aux vers 24-26 notamment, il a des accents d'une gravité singulière, il commence une sorte d'hymne à la philosophie. Sans doute; il n'insiste pas : ce n'est point dans sa nature, et ce n'est ni le lieu ni le moment. La philosophie n'en est pas moins proclamée l'étude nécessaire à l'humanité tout entière, l'étude capitale pour tous les âges et toutes les conditions, pour les jeunes et les vieux, les pauvres et les riches (14) ; jusqu'ici cultivée par les beaux esprits, dans les grandes maisons, privilège d'une élite, elle doit descendre parmi le peuple ; à la place des anciennes croyances, elle apparaît comme une religion.

On s'explique qu'Horace soupire après un bien devant lequel s'effacent tous les autres. Mais quand viendra-t-il enfin, ce temps de mettre en pratique la parfaite sagesse ? Il n'a pas d'illusions; ce ne sera pas encore demain. Pour l'instant, il récolte, il amasse des provisions, il les serre au fur et à mesure dans sa grange (v.12) ; c'est plus tard seulement que ces provisions pourront lui servir. Car le système de philosophie auquel il travaille, c'est un idéal qu'il poursuit; la satisfaction d'y parvenir ne lui sera donnée, si elle l'est jamais, que sur ses vieux jours (15). En attendant, restera-t-il sans profiter déjà de ce qu'il a réuni ? Se bornera-t-il à gémir stérilement de n'être point le sage qu'il rêve ? C'est mal le connaître. Il n'est pas partisan du « tout ou rien » : est quadam prodire tenus, si non datur ultra.(v.32). La moisson n'est pas complète; il n'en est qu'aux éléments: soit. Mais, ces éléments, principes de début, notions très générales encore, il peut s'en servir, faute de mieux; c'est tout de même un aliment et un réconfort (16); c'est comme une sagesse provisoire qui lui permettra de courir au plus pressé.

Que voit-il donc de plus urgent ? D'attaquer chez lui, si par hasard il avait la faiblesse de s'y laisser aller, d'attaquer chez ses contemporains, dont ce sont les deux vices essentiels, la passion des richesses et celle du pouvoir, l'amour de l'argent et l'amour des honneurs (avaritia, laudis amor) (v.33 et v.36). Débarrassé de l'un et de l'autre, assurément on ne sera pas encore vertueux, mais on ne sera plus fou; cela vaut bien qu'on prenne quelque peine : virtus est vitium fugere, etc (v.41-42). Sagesse modérée, médiocre encore, sagesse provisoire je le répète; ce ne sont que des elementa. On peut s'en contenter toutefois jusqu'à plus ample perfection.

Or, qui nous débarrassera de l'avidité et de l'ambition, véritables fléaux de l'âme, qu’Horace, après les Stoïciens (17), compare aux maladies du corps (18) ? La philosophie. Et cette comparaison devenue banale, courante, entré le physique et le moral, reprend dans sa pensée un sens très précis. II y a une médecine de l'âme, comme il y en a une du corps. Il redit avec le Cicéron des Tusculanes : Est profecto animi medicina philosophia (19). Il croit à l'efficacité souveraine des préceptes de l’école pour la guérison des maux de l'âme; il est persuadé que tous les vices cèderont à cette culture bien entendue de l'esprit et du cœur, ou qu'ils perdront au moins leur âpreté (v. 38-40). Mais pour faire accepter des déclarations aussi solennelles et des promesses dont l'exagération peut prêter à sourire, comme il a toujours devant les yeux Mécène, son lecteur ironique, il s'est d'abord fait à demi ironique lui-même, et il a plaisamment assimilé par avance les philosophes aux charlatans. La confiance qu'ont ceux-là en leur pouvoir de guérison, lui rappelle l'assurance de ces magiciens qui se disent aussi guérisseurs : les uns comme les autres tiennent toutes prêtes, à l'usage de leurs clients, des formules et des recettes qu'ils proclament souveraines (v. 34-37). Grâce à ce ton léger, à cette manière de ne pas se prendre trop au sérieux, il espère qu'on lui pardonnera davantage une profession de foi, qui se heurte vraiment à bien des obstacles.

C'est qu'il n'est pas facile de se convertir, même quand on le veut, et l'on n’arrive pas sans lutte à rompre en visière aux maximes de son siècle. Une sorte de conspiration générale se forme autour de nous, pour nous empêcher d'agir autrement que tout le monde. Horace en fait l'expérience. Sa conversion, entravée déjà par les sceptiques comme Mécène, l'est encore par la foule, que la philosophie impatiente. Après les railleries de ses amis, les résistances de l'opinion populaire. Par exemple, cette fois il ne prendra pas tant de détours; il n'aura plus les mêmes timidités, n'ayant pas les mêmes ménagements à garder. Naguère il a dit son fait à la foule, du point de vue religieux (20). A présent, c'est au nom de la simple morale philosophique qu'il parle, mais il n'est pas moins net (Sénèque ne le sera pas davantage plus tard) : éloignons-nous de la multitude ; la multitude est mauvaise. Et comme il part toujours d'une observation particulière, la multitude qu'il envisage est celle de Rome. Le peuple romain est avide, il n'aime que l'argent ; ses principes sont juste à l'opposé de la vraie sagesse ; il n'atteint même pas au degré de moralité des enfants quand ils jouent ; car ceux-ci mettent à leur tête le plus adroit, le plus fort ou le plus agile d'entre eux, et c'est déjà une chose morale que le meilleur soit roi : rex eris, aiunt, si recte facies (v. 59-60). De ce refrain Horace tire une moralité plus haute encore. Dans la bouche des joueurs, le recte facere signifiait celui qui jouera le mieux ; dans la bouche du poète, il prépare le nit conscire sibi du vers 61 ; il signifie avoir la conscience sans reproche, il devient une sentence qui s'applique à toute la vie : le précepte des enfants reçoit une portée universelle. Il faut s'enfermer dans la résolution de bien faire comme dans une citadelle inexpugnable ; le murus aeneus, c'est la conscience inviolable du sage, où viennent se briser toutes les attaques du dehors.

J’insiste sur ce passage, parce qu'il a été fort attaqué en Allemagne. Wieland, Meineke, Lehrs, Müller rejettent comme interpolée la phrase : hic muras aeneus esto Nil conscire sibi, nulla pallescere culpa. Pour L. Müller les vers qui la précèdent, et où est reproduite la chanson des enfants, devaient être à l'origine : rex eris, aiunt, Si recte facies; si non recte facies, non. Puis la seconde partie du refrain sera tombée, ce qui n'a rien de surprenant ; de là une lacune qu'un moine aura maladroitement comblée de la façon qui nous a été transmise, Mais à quoi reconnaître la maladresse et par suite l'interpolation ? D'abord, dit Müller, à ce qu'il y a là un, pathos indigne d'Horace. (Répondons tout de suite que c'est une opinion personnelle, qui n'engage que son auteur et qu'on est libre de ne point admettre. D'autres, au rebours, trouveront dans ce vers et demi de soi-disant remplissage, comme dans ceux qui suivent, un sentiment d'une rare élévation morale). Une seconde raison, c'est que le contraste est trop fort entre ce grave lieu commun et le ton du reste de l'épître. Il est vrai ; la gravité survient, succédant à l'ironie et à la malice légère (21). Mais n'en était-il pas de même déjà aux vers 20-26, 38-42 ? N'en sera-t-il pas ainsi un peu plus bas (v. 64, 68-69)? Le souvenir donné aux mâles Curius ou aux mâles Camilles, et la peinture du sage dressé contre l'insolente fortune, toujours droit, toujours libre, nous entraînent dans un ordre de pensées suffisamment sérieux, il me semble, pour que nous ne soyons pas surpris d'avoir entendu cette même note dès les vers 60-61. Aussi bien, c'est la caractéristique de la pièce tout entière – je l'ai dit, et comment Meineke ou Müller ne l'ont-ils pas vu ? – que ces changements de ton et ces volte-face soudaines. Si le poète dans notre passage se hausse jusqu'à la plus austère vertu ou se campe en imagination dans la plus fière attitude, c'est qu'il a pour le moment oublié Mécène ; il en prend alors plus d'audace, il ose montrer ouvertement quels soucis nouveaux se sont emparés de son âme (22).

Donc, Horace et la multitude ne peuvent s'entendre, puisqu'ils ont sur la vie des opinions absolument divergentes; pour elle il s'agit de faire fortune par tous les moyens (v. 65) ; pour lui il s'agit uniquement d'être vertueux. Mais autre chose encore les sépare et les séparera toujours plus, à mesure qu'il avancera dans la voie de la sagesse: la foule est capricieuse. Elle n'est pas seulement passionnée; elle est mobile dans ses passions; elle est marquée du signe le plus certain de la folie, l'inconstance. La suivre, c'est se perdre, car elle n'a aucun principe fixe de conduite. C’est une hydre à mille têtes, qui dévore tous les imprudents qui se laissent saisir. Elle a mille têtes par le nombre de ceux qui la composent, et chacune de ces têtes, à son tour, porte en elle mille caprices, aussi changeants et fugitifs que les heures. Or seul est sage celui qui est d'accord avec soi-même. Constare sibi, voilà le but à atteindre; la constantia est la vertu essentielle. – Mais, dira-t-on, Horace aussi est inconstant. – Qu'est-ce que cela prouve ? qu'il n'est point sage ? Il le sait, et l'avoue. Selon son habitude, il ne craint pas de s’appliquer, quand il les mérite, les critiques qu'il adresse aux autres; il se range ici parmi ceux qu'il raille. La différence, c'est qu'il veut guérir de son mal; la foule, au contraire, l'aime et le nourrit. Et Mécène, sur ce point, n'est pas beaucoup plus raisonnable que le peuple. Difficile, sévère même pour des vétilles, pour une négligence de toilette, il est indifférent à des travers autrement graves. Une pensée flottante, capricieuse, ballottée d'une perpétuelle inconséquence, lui paraît une chose tout ordinaire, une folie inhérente à l'humaine nature; et il n'en rit point, et il ne cherche à en débarrasser ni ses amis ni lui-même.

Contre cette interprétation L. Müller se récrie. Horace ne peut avoir parlé ainsi à Mécène. Le traiter comme le populaire, c'était l'offenser. En outre, depuis le vers 41 il ne s'adresse plus à lui, il s'adresse à tout le monde ; cette fin de l'épître a une portée générale. Ni la 2ème personne ne s'y applique à Mécène, ni la 1ère même à Horace : elles demeurent indéterminées. Ce n'est pas Mécène, aux vers 94 et suivants, qui se moque de l’accoutrement négligé d'Horace, pas plus qu'aux vers 97-100 Horace n'est l'homme aux bizarres changements d'humeur. Comment d'ailleurs les vers 70 suiv. et 97 suiv. pourraient-ils désigner le même personnage (en l'espèce Horace), puisque tantôt ce personnage se déclare inconstant et tantôt il reproche à la foule son inconstance ? – Mais les vers 103-105 contiennent des détails trop précis pour n'être pas rapportés à Horace et à Mécène.– C'est la preuve qu'ils sont interpolés; il faut les supprimer.

Toute cette argumentation est bien étrange. Reprenons-la point par point. Quoi ? Horace, qui dans son œuvre entière fait si volontiers les honneurs de sa personne, ne parlerait pas de lui depuis le vers 41, c'est-à-dire pendant plus de la moitié de l'épître ? Cela ne laisse pas de surprendre tout d'abord. Et pourquoi faire commencer au vers 41 la seconde partie de la pièce ? Pourquoi ne commencerait-elle pas plus haut, ou plus bas ? Rien n'indique, à cet endroit, un arrêt dans le développement. Au contraire, après comme avant, tout se tient étroitement. Les vers 42-46 traitent de la cupidité et de l'ambition ; elles étaient déjà attaquées au vers 33 (fervet avaritia miseroque cupidine pectus). Il y a continuation de la même idée et non point passage à une idée nouvelle. – S'il est vrai que la 2ème personne désigne parfois, après le vers 41, un interlocuteur fictif, cela est vrai aussi des quarante premiers vers, où cependant, d'après Müller, le poète ne s'adresse qu'à Mécène (cf. possis v. 28, contemnas v. 29, desperes v. 30, nolis v. 31, possis et tumes v. 35 et 36). Procédons alors par analogie : rien ne nous empêche, malgré l'emploi, après le vers 41, de certaines deuxièmes personnes dans un sens indéterminé, de rapporter à Mécène les vers 94-102. - Prétendre que le rides des vers 95 et 97 désigne un individu quelconque du peuple et que c'est la foule romaine qui attache de l'importance au costume, c'est simplement appliquer à Rome, sans en avoir de raison bien particulière, cette idée que les foules en général se laissent séduire par l'extérieur et jugent l'homme sur l'habit; c'est oublier ou méconnaître, en tout cas, ce qu'étaient Mécène et son groupe de mondains, gens raffinés, pleins d'exigences sur les questions de toilette, faisant la mode et voulant qu'on s'y asservît autour d'eux. – Qu'Horace ne puisse s'avouer inconstant aux vers 97-100, parce qu'il a déclaré (v. 80-93) qu'il détestait l'inconstance, c'est une objection à laquelle j'ai déjà répondu. On peut haïr un défaut et le partager momentanément avec d'autres. Mais c'est déjà beaucoup que de le haïr ; c'est presque commencer à s'en défaire, et commencer, c'est l'avoir à moitié rejeté : dimidium facti qui coepit habet (23). Tel sera le cas d'Horace. Dans l'épître 8 il se reconnaît encore plus mobile que les vents (ventosus v.12). A l'époque de l'épître 14, il se dit enfin guéri et en possession de cette constantia, objet de tous ses vœux (me constate mihi scis v.16). — Si Mécène est visé par les vers 94-102, le poète, dit-on, en prend bien à son aise avec lui. Sans doute; mais c'est le propre d'Horace qu'il ait su, dans, ses relations avec un grand personnage, lui parler encore librement. Aujourd'hui il le blâme d'avoir la coquetterie d'un petit-maître. Autrefois, il s'était moqué indirectement de ses prétentions en cuisine, et déjà, par derrière Catius, l'homme aux recettes culinaires (24), ou Nasidienus, l'homme au repas ridicule (25), il avait atteint jusqu'à son ami, inventeur de plats nouveaux (26), gourmet tout occupé de l'ordonnance de ses festins. Il était de ceux qui ne conçoivent pas l'amitié sans l'égalité, et cette attitude, qui étonne Müller, lui a peut-être plus servi auprès d'un homme d'esprit, que n'auraient fait des bassesses et des platitudes écœurantes. D'ailleurs sa liberté de langage n'enlève rien à la vivacité de sa reconnaissance. Il n'oublie jamais ce qu'il doit à son protecteur et, par quelques mots d'affection sincère et tendre (v.105), il se hâte de fermer la légère blessure qu'il a pu lui causer. – De tout ce qui précède, il ressort, contrairement à l'opinion de Müller, qu'Horace, dans les vers 94-102, ne s'adresse nullement à tout le monde, mais bien à Mécène en particulier (n'est-il pas naturel qu'il revienne au destinataire de la lettre et finisse par lui, comme il a commencé ?), et qu'ainsi l’interpolation des vers 103-105 n'est rien moins que prouvée.

Enfin nous n'accorderons pas davantage à L. Müller qu'il y ait une lacune avant le vers 106. Si la pièce finit brusquement, cette brusquerie est voulue et rappelle la manière dont se termine la satire I, 1. Horace tourne court, quand il a fait un peu longuement de la morale, pour ne pas paraître un raisonneur de profession. « Assez philosophé comme cela, se dit-il à lui-même, semblable au personnage de Plaute (sed iam satis est philosophatum) (27) ; nous ne sommes pas à l'école. » Il faut ramener le lecteur au ton familier de l'épître et le laisser sous l'impression qui convient. Aussi les derniers vers, qui s'annonçaient encore sérieux, sont tout à coup égayés par le trait final et s'achèvent en une plaisanterie (sapiens... Praecipue sanus, nisi cum pituita molesta est, v.106-108.) Manière de fuir le pédantisme et, même dans les sujets les plus graves, de garder la mesure de l'homme du monde.

Ce qui ressort de cette épître, c'est que le poète y fait un grand pas vers le sérieux. Elle est pour les autres, une exhortation à étudier la philosophie ; elle est sudout pour lui, l'annonce d'un réel changement. Un besoin nouveau de perfection le tourmente. Il a beau se moquer des Stoïciens, railler en terminant leurs paradoxes insoutenables, véritables défis en effet pour le sens commun et prétentions d'orgueilleux. Il a touché à leur doctrine, cela suffit; quelque chose lui en est demeuré, un goût de sagesse, un désir de conversion. Dès lors il se rapproche d'eux par l'ardeur de ses aspirations et la hauteur de ses préoccupations morales. Si l'on a pu quelquefois prendre le change, c'est que cette vocation philosophique qu'il sent dès maintenant en lui-même, il se garde de trop l'accuser: d'abord, parce qu'il n'est pas dans son tempérament d'enfler la voix, de s'en faire accroire ni d'en faire accroire aux autres, et, par crainte d'exagérer, il aime mieux rester en deçà ; puis, parce que son récent passé, d’épicurien lui impose une certaine réserve ; il ne sied pas d'être trop grave prédicateur, quand on a été si pécheur ; Mécène aurait vite fait de lui rappeler ironiquement le temps, peu éloigné, où il avait un front moins austère. C'est pour éviter cette ironie, comme je le disais au début, qu'il a recours à toutes ces précautions, qu'il se tient encore à mi-chemin sans oser aller jusqu'à l'aveu complet, qu'il dissimule en partie sous la légèreté du ton le sérieux de la pensée et enveloppe ses déclarations d'un sourire un peu moqueur.

Malgré ce voile, nous sommes en présence d'une pièce, où rien ne doit être pris par le côté abstrait et général. Horace y songe toujours à lui-même; d'une façon ou de l'autre, c'est de lui qu'il s'agit; c'est son cas qu'il discute, sa résolution qu'il veut faire accepter. Les développements généraux n'y sont tels qu'en apparence; à les bien considérer, ils se rapportent encore à la même situation très spéciale et sont nés des circonstances très particulières que j'ai tâché de définir. Il ne faut jamais perdre de vue cette situation et ces circonstances. Ce sont elles, au surplus, qui sont intéressantes; en contraignant le poète à se tirer d'un pas difficile; elles donnent à l'épître toute son originalité et sa saveur.


 
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— NOTES —

(1) Vell. Paterc., II, 88, 2.
 
(2) Senec., Ep. 114, 5. Ce texte de Sénèque a été, il est vrai, quelquefois contesté (cf. Frandsen, C. Cilnius Maecenas, p. 166), mais sans preuve décisive.
 
(3) Iuven., XII, V. 38-39.
 
(4) Ep. I, 1, 94-96 et 104.
 
(5) Suet., Aug. 86
 
(6) Ep. II, 1, 117
 
(7) Il avait écrit des vers grecs légers (Sat. I, 10, 31), probablement quand il était à Athènes; et que pouvaient être ces graeci versiculi, sinon d'imitation alexandrine ? Mais il a condamné lui-même cette œuvre de débutant. Après y avoir renoncé, non seulement il ne recommença plus, mais il n'en a rien voulu conserver.
 
(8) Tac., Dialog., 26.
 
(9) Vell. Paterc., II, 88, 2.
 
(10) Ep. I, 1, 11
 
(11) Ep. I, 1, 3
 
(12) Il y eut lutte, cela est certain. Horace s'est débattu (Carm. I, 32; II. 12); il ne se sentait pas fait pour les grands sujets. Il a fini par céder, et il a composé les odes patriotiques et religieuses du 3ème livre.
 
(13) Cic., Acad., II, 3, 8.
 
(14) Déclaration répétée Ep. I, 3, 28 : Hoc opus, hoc studium parvi properemus et ampli.
 
(15) Le mersor civilibus undis ne se comprend que si on le rapporte à l'avenir; autrement l'assertion serait étrange. Tout au plus ne s'agit-il, pour le présent, que d'aspirations non suivies d'effet. En réalité, il ne veut pas dire qu'il pratique déjà ce que demandent les Stoïciens, mais seulement qu'il est partisan - pour plus tard - de leurs principes d'activité politique.
 
(16) v.27. Solari, soulager, réconforter en fournissant quelque aliment à ceux qui souffrent; donc nourrir, mais mal nourrir encore. Cf. Virg. Georg. I, 159: concussaque famem in silvis solabere quercu; Hor. Sat. II, 6, 116 : me silva cavusque Tutus ab insidiis tenui solabitur ervo.
 
(17) Cicéron (Tuscul., IV, 10, 23): a Stoicis, maxime a Chrysippo, ... morbis corporum comparatur morborum animi similitudo.
 
(18) v. 35, morbi au sens stoïcien. Voir déjà dans la satire II, 3 Stertinius le philosophe se servant du mot avec le même sens. « Pour Stertinius, dit M. Lejay (ouv. cit., p. 361), cela est plus qu'une métaphore, c'est une théorie ».
 
(19) Tusc., III; 3, 6.
 
(20) Carm. III, 1
 
(21) L'ironie s'était traduite surtout par les vers 54-56. Et nous n'aurons garde d'exclure, comme font la plupart des éditeurs allemands, le vers 56, qui pour nous, au contraire, renforce l'intention. C'est ce qu'a très bien vu M. Lejay (ed. petit in-16, p. 454, note 12). De ce que ce vers 56, se trouve déjà dans la satire I, 6, 74, il ne s'ensuit pas qu'il soit interpolé dans l'épître I, 1. Un auteur ne peut-il se citer lui-même, surtout quand il le fait, comme ici, avec des mots à double entente qui donnent au rappel quelque chose de comique? Car l'enfant de la satire I, 6, qui va à l'école, et l'homme d'affaires de l'épître I, 1, qui se rend au Forum, se ressemblent par certains points. Tous deux ont besoin d'une boîte à compartiments (loculi), celui-là pour y ranger son bagage d'écolier, celui-ci pour y serrer ses écus (loculi est repris par Horace avec cette dernière acception Ep. II, l, 175 : nummum in loculos demittere). A tous deux il faut encore une tablette pour calculer (tabula), Le vieil argentarius enfin a continuellement à la bouche le refrain virtus post nummos; et cela marque chez lui l'obsession, l'idée fixe, la prédominance de la passion sur la raison, et le rapproche ainsi de l'enfance.
 
(22) Notez qu'alors même cette gravité ne l'empêche pas de relever le conseil d'un trait piquant. S'il s'est parodié lui-même au vers 56, il raille au vers 67 les poèmes larmoyants de Pupius. Nul n'a su comme lui, je le répète, passer avec souplesse « du plaisant au sévère » - Pour les opinions de Luc. Müller, voir l'édit. de Vienne, 1893, in-8°, p. 18 et suiv.
 
(23) Ep. I, 2, 40
 
(24) Sat. II, 2
 
(25) Sat. II, 8
 
(26) Plin. N.H., 8, 170
 
(27) Plaut., Pseudol., II. 3, 21.



 

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