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Horace : sa vie et sa pensée à l’époque des Épîtres

par Edmond COURBAUD, (Hachette, Paris, 1914)

 

— PRÉFACE —

APRÈS tous les travaux publiés sur Horace, en France ou à l'étranger, on trouvera peut-être téméraire que je me sois proposé de parler encore de l'auteur des Épîtres. Le sujet semble épuisé : pourquoi y revenir ? Alléguer que j'ai cédé, comme tant d'autres, à l'attrait du plus charmant esprit que Rome ait connu, ce serait aux yeux des philologues une excuse insuffisante. Si réellement tout est dit, si le public savant n'a plus rien à apprendre, mieux vaut se taire. Mais dans cet ordre de recherches, peut-on jamais avoir tout dit ? Les choses littéraires, contiennent une part d'interprétation, qui fait que les questions se renouvellent avec l'esprit qui les envisage. C'est justement une interprétation de la pensée d'Horace, telle qu'elle m'apparaît à travers les Épîtres, que je voudrais présenter aujourd'hui.

J'aborde une tâche restreinte et bien délimitée. Il s'agit, non pas d'Horace tout entier, mais de ses Épîtres; non pas même de toutes les Épîtres, mais des vingt petites pièces du premier livre. Elles ont été publiées à part, en un recueil ; elles ont paru à une époque décisive dans la carrière de l'auteur, après la quarantième année, à un moment où l'on est tout ce qu'on doit être, où Horace, en particulier, avait obtenu de la vie tout ce qu'il en attendait. Les prendre une à une, les analyser d'aussi près que possible pour en saisir le sens et la portée exacte, démêler les intentions vraies qui les ont dictées au poète et marquer la place qui revient à chacune d'elles dans l'histoire de son œuvre, voilà l'objet et la méthode du présent travail.

Ce travail s'efforcera avant tout d'être précis. S'il doit avoir quelque mérite, ce sera celui-là. Dans les questions littéraires il faut éviter ; avec tout le soin dont on est capable, la littérature au mauvais sens du mot, les considérations vagues qui se tiennent au-dessus et loin des textes. J'espère qu'on ne trouvera rien ici qui ne s'appuie sur un témoignage. Tout sortira d'une lecture attentive des Épîtres.

J'ai dit que les publications sur Horace sont innombrables. Il est impossible de n'en point négliger; je tâcherai de n'en point négliger d'importantes. Mais, quel que soit l'intérêt de ce qu'ont écrit mes devanciers, c'est au texte lui-même que je reviendrai toujours en fin de compte, pour le méditer patiemment et en tirer les lumières nécessaires. J'ajoute que trop de soin, donné à la discussion des travaux antérieurs et aux jugements déjà formulés, serait plus nuisible qu'utile. Quelques guides bien choisis peuvent aider à l'observation, en la concentrant sur certains points déterminés; un trop grand nombre ne fait que gêner et troubler le regard, qu'ils détournent et dispersent en tous sens. Si j'ose me servir de cette comparaison, ce ne sont plus alors les quelques signaux placés sur le terrain, de distance en distance, pour empêcher l'œil de s'égarer hors de la ligne de mire ; c'est une série d'écrans interposés, qui cachent de toutes parts la vue de l'objet. Pour comprendre ce qu'un auteur a voulu dire, le mieux est encore de le lui demander à lui-même, sans intermédiaire. Rien ne vaut, avec un maître qui a su s'exprimer, l'étude directe, immédiate, de l'œuvre où il a traduit sa pensée.

Qu'on ne cherche point dans les pages qui suivent un commentaire détaillé, s'arrêtant sur chaque phrase, chaque tournure, chaque mot remarquable, Bien entendu, j'essaie de résoudre pour moi-même les difficultés partielles; mais je ne me crois pas obligé d'en entretenir le lecteur. Noter et expliquer toutes les particularités d'un texte à mesure qu'elles se présentent, signaler tous les problèmes que ce texte soulève, c'est le travail de l'éditeur ; et je ne fais pas une édition. Je conçois ma tâche autrement; je m'attache seulement au sens général, je veux dire au sens profond, intime, de chacune des Épîtres. Il m'a semblé qu'il n'avait pas toujours été bien saisi et qu'il restait sur ce point quelque chose encore à tenter. Question de nuances souvent; mais les nuances importent. La vérité est faite d'approximations successives. Je m'estimerais heureux, si, du but idéal, qu'on n'atteindra donc jamais complètement, je pouvais m'approcher un peu plus que mes prédécesseurs (*).


 
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(*). On trouvera dans les notes, au bas des pages, l'indication de ce que je leur emprunte. Mais je m'en voudrais de ne pas citer, dès maintenant, le nom de deux savants français qui font autorité dans les études horatiennes et dont les ouvrages m'ont beaucoup servi: M. Cartault avec son Etude sur les Satires d'Horace (Biblioth. de la Faculté des Lettres, IX; Paris, Alcan, 1899) et M. Lejay avec son édition in-8 des Satires (Paris, Hachette, 1911) et son édition petit in-16 des Epîtres (Paris, Hachette, 1903). — Quant à l'Histoire de la vie et des poésies d'Horace par Walckenaer (Paris, Michaud, 1840) et à l'Etude morale et littéraire sur les Épitres d'Horace de J. A. Estienne (Paris, Hachette, 1851), je n'en dirai qu'une chose: productions déjà anciennes, traitées à un tout autre point de vue que celui auquel je me suis placé, elles ne m'ont pas découragé de revenir sur le même sujet.


 
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