(1) Q. Horatius Flaccus, Venusinus, patre, ut ipse tradit, libertino et exactionum coactore, ut uero creditum est, salsamentario, cum illi quidam in altercatione exprobrasset : « Quotiens ego uidi patrem tuum (2) brachio se emungentem ! », bello Philippensi excitus a Marco Bruto imperatore, tribunus militum meruit ; uictisque partibus uenia impetrata scriptum quaestorium comparauit.
(3) Ac primo Maecenati, mox Augusto insinuatus, non mediocrem in amborum amicitia locum tenuit.
(4) Maecenas quantopere eum dilexerit satis testatur illo epigrammate :
Ni te uisceribus meis, Horati,
Plus iam diligo, tu tuum sodalem
Hinnulo uideas strigosiorem
sed multo magis extremis iudiciis tali ad Augustum elogio : « Horati Flacci ut mei esto memor ».
(5) Augustus epistularum quoque ei officium obtulit, ut hoc ad Maecenatem scripto significat : « Ante ipse sufficiebam scribendis epistulis amicorum, nunc occupatissimus et infirmus Horatium nostrum a te cupio abducere. Veniet ergo ab ista parasitica mensa ad hanc regiam, et nos in epistulis scribendis adiuuabit ».
Ac ne recusanti quidem aut succensuit quicquam aut amicitiam suam ingerere desiit.
(6) Exstant epistulae, e quibus argumenti gratia pauca subieci : « Sume tibi aliquid iuris apud me, tamquam si conuictor mihi fueris ; recte enim et non temere feceris, quoniam id usus mihi tecum esse uolui, (7) si per ualitudinem tuam fieri possit ».
Et rursus : « Tui qualem habeam memoriam, poteris ex Septimio quoque nostro audire ; nam incidit ut illo coram fieret a me tui mentio. Neque enim si tu superbus amicitiam nostram spreuisti, ideo nos quoque (8) ανθυπερηφανουμεν ».
Praeterea saepe eum inter alios iocos "purissimum penem" et "homuncionem lepidissimum" appellat, unaque et altera liberalitate locupletauit.
(9) Scripta quidem eius usque adeo probauit mansuraque perpetuo opinatus est, ut non modo Saeculare Carmen componendum iniunxerit sed et Vindelicam uictoriam Tiberii Drusique, priuignorum suorum, eumque coegerit propter hoc tribus Carminum (10) libris ex longo interuallo quartum addere ; post sermones uero quosdam lectos nullam sui mentionem habitam ita sit questus : « Irasci me tibi scito, quod non in plerisque eius modi scriptis mecum potissimum loquaris ; an uereris ne apud posteros infame tibi sit, quod uidearis familiaris esse ? » (11) expressitque eclogam ad se, cuius initium est :
Cum tot sustineas et tanta negotia solus,
Res Italas armis tuteris, moribus ornes,
Legibus emendes: in publica commoda peccem,
Si longo sermone morer tua tempora, Caesar.
(12) Habitu corporis fuit breuis atque obesus, qualis et a semet ipso in saturis describitur et ab Augusto hac epistula : « Pertulit ad me Onysius libellum tuum, quem ego ut excusantem, quantuluscumque est, boni consulo. Vereri autem mihi uideris ne maiores libelli tui sint, quam ipse es ; sed tibi statura deest, corpusculum non deest. Itaque licebit in sextariolo scribas, ut circuitus uoluminis tui sit ογκωδεστατος, sicut est uentriculi tui ».
(13) Ad res uenerias intemperantior traditur ; nam speculato cubiculo scorta dicitur habuisse disposita, ut quocumque respexisset ibi ei imago coitus referretur.
(14) Vixit plurimum in secessu ruris sui Sabini aut Tiburtini, domusque eius ostenditur circa Tiburni Iuculum.
(15) Venerunt in manus meas et elegi sub titulo eius et epistula prosa oratione quasi commendantis se Maecenati, sed utraque falsa puto ; nam elegi uulgares, epistula etiam obscura, quo uitio minime tenebatur.
(16) Natus est VI idus decembris L. Cotta et L. Torquato consulibus, decessit V kal. decembris C. Marcio Censorino et C. Asinio Gallo consulibus post nonum et quinquagesimum diem quam Maecenas obierat, aetatis agens septimum et quinquagesimum annum, herede Augusto palam nuncupato, cum urgente ui ualitudinis non sufficeret ad obsignandas testamenti tabulas. Humatus et conditus est extremis Esquiliis iuxta Maecenatis tumulum.
(1) Q. Horatius Flaccus, natif de Venouse, et fils, selon ses propres dires, d’un père affranchi qui exerçait la profession de receveur d’enchères, ou plutôt, à ce que l’on croit, de marchand de poisson salé, puisque quelqu’un lui lança un jour dans une querelle : « Que de fois j’ai vu ton père (2) se moucher du bras ! », fut recruté par Brutus et servit comme tribun militaire lors de la campagne de Philippes ; après la défaite de sa cause, il obtint son pardon et acquit une charge de secrétaire du trésor.
(3) Entré dans les faveurs de Mécène d’abord, et d’Auguste ensuite, il occupa dans leur amitié une place assez considérable.
(4) Le degré d’affection que Mécène lui porta, l’épigramme suivante en atteste déjà assez :
Si je ne t’aime, Horace, plus que mes entrailles,
Puisses-tu voir ton camarade
Encore plus efflanqué qu’un mulet.
Mais ce qui le montre encore plus, c’est le témoignage que celui-ci lui rendit à la fin de sa vie à travers cette clause testamentaire adressée à Auguste : « Souviens-toi d’Horatius Flaccus comme de moi-même ».
(5) Auguste lui offrit même le poste de secrétaire particulier, ainsi qu’il l’indique à Mécène dans la lettre suivante : « Je suffisais auparavant à tenir ma correspondance avec mes amis, mais maintenant que je suis débordé et que ma santé chancelle, je désire t’enlever notre Horace. Il passera donc de ta table parasitaire à ma table royale, et nous aidera à écrire notre courrier ».
Et le refus même de l’intéressé ne provoqua aucune colère de la part du prince ni ne l’amena à cesser de lui imposer son amitié.
(6) Il reste des lettres, dont je tire ces quelques extraits à titre d’illustration : « Accorde-toi quelque droit auprès de moi, comme si tu avais été mon compagnon de table. Tu agirais comme il faut, en effet, et pas à la légère, puisque telles sont les relations que je voulais avoir avec toi, (7) si ta santé le permettait ». Et encore : « Comme je me souviens bien de toi, tu pourras l’apprendre aussi de notre Septimius ; car j’ai fait mention de toi incidemment en sa présence. De fait, si tu as eu l’orgueil de dédaigner notre amitié, ce n’est pas pour autant que (8) nous te rendrons la pareille ».
En outre, il l’appelle souvent, entre autres sobriquets, « pénis très pur » et « spirituel avorton », et il le fit bénéficier de ses largesses une fois ou deux.
(9) Chose certaine, il eut pour ses écrits une telle considération et jugea si bien qu’ils dureraient toujours, que, non content de lui commander le Carmen Saeculare, il voulut aussi qu’il célébrât la victoire de Tibère et de Drusus, ses beaux-fils, sur les Vindélices, et à cet effet l’obligea à ajouter (10) après un long laps de temps un quatrième livre d’odes aux trois premiers. Quant aux Épîtres, après en avoir lu quelques-unes, il se plaignit en ces termes de n’y trouver aucune mention de sa personne : « Sache que je suis en colère contre toi, de ce que dans la plupart des écrits de ce genre tu ne converses pas de préférence avec moi. Craindrais-tu que ta réputation ne souffre auprès de la postérité si tu passes pour être de nos amis ? ». (11) Et Horace lui adressa la pièce qui commence ainsi :
Alors que tu portes seul le poids de si nombreuses et si grandes affaires, que tu protèges la puissance italienne par les armes, que tu lui donnes la parure des mœurs, que tu la redresses par les lois, je pécherais contre l’intérêt public si je retenais par un long entretien tes instants, César.
(12) Physiquement il était petit et replet, tel qu’il se décrit lui-même dans ses satires, et tel qu’Auguste le représente dans cette lettre : « Onysius m’a apporté ton petit livre dont, si petit soit-il, j’agrée les accusations. Mais tu m’as l’air de craindre que tes livres ne soient plus grands que toi. Pourtant, si la taille te fait défaut, l’embonpoint non. C’est pourquoi tu pourras écrire dans un tonnelet, afin que la circonférence de ton livre soit plus rebondie, comme l’est celle de ton ventrelet ».
(13) Il paraît qu’il était excessivement porté sur le sexe : on dit en effet qu’il avait disposé des miroirs dans toute sa chambre de façon à ce que l’image de ses ébats amoureux se reflétât dans toutes les directions.
(14) Il vécut la plupart du temps retiré dans sa campagne sabine, ou tiburtine, et l’on montre sa villa près du petit bois de Tibur.
(15) J’ai eu entre les mains des élégies sous son nom, ainsi qu’une lettre en prose où il se recommande à Mécène, mais je crois ces œuvres apocryphes ; en effet, les élégies en question sont vulgaires, et la lettre est même obscure, un défaut qui n’était sûrement pas le sien.
(16) Il naquit le sixième jour avant les ides de décembre sous le consulat de L. Cotta et de L. Torquatus (8 déc. –65), et mourut le cinquième jour avant les calendes de décembre sous le consulat de C. Marcius Censorinus et de C. Asinius Gallus (27 nov. –8), cinquante-neuf jours après Mécène, à l’âge de 57 ans, en désignant de vive voix Auguste pour héritier, car la violence de la maladie l’empêcha de sceller son testament. Ses restes sont inhumés à l’extrémité des Esquilies, à côté de la tombe de Mécène.
(1) Son père était-il receveur d’enchères ou marchand de poisson ? F. Villeneuve (éd. des Odes aux Belles Lettres, p. VI) voit dans la seconde option « une invention de grammairien pour rapprocher l’origine d’Horace de celle de Bion le Borysthénite ». C’est possible, mais la vraie question n’est pas là, elle concerne l’évidente malveillance qui a dicté cette fausse information. De même, les ennemis d’Euripide ne se faisaient pas faute de répéter (à tort probablement) que sa mère vendait des légumes. Surtout, Horace est accusé de mensonge sur ses origines, lui qui au contraire les a toujours affichées et assumées non seulement sans honte, mais avec panache (voir surtout la Satire I, 6). Les grammairiens ont bon dos, mais lequel d’entre eux aurait eu le bras assez long pour s’introduire ainsi dans la Vita ? ou assez de venin pour essayer d’emblée et sans raison de jeter le discrédit sur le poète ? Suétone n’est pas coupable, mais ses sources sont polluées.
(2) Le verbe comparauit (sibi sous-entendu) ne précise pas comment Horace acquit la charge de scriba quaestorius. Avec quel argent l’aurait-il achetée, si la guerre civile l’avait ruiné (Epist. II, 2, 49-52) ? Lui était-il resté de quoi payer les 200 000 sesterces, au bas mot, que coûtait cette charge (cf. D. Armstrong, « Horatius eques et scriba : Satires 1. 6 and 2. 7 », TAPA 116 [1986] 286) ? Mais il avait de hautes relations, qui durent lui servir pour obtenir son pardon. Et qui disait pardon disait aussi moyens de subsistance. En tout cas cette fonction assurait à Horace un statut social, même s’il appartenait déjà fort probablement à l’ordre équestre depuis son accession au grade de tribunus militum (-43).
(3) Horace ami à la fois d’Auguste et de Mécène ? Telle est en effet la légende, et ne doutons pas qu’Auguste ait tout fait pour l’entretenir.
(4) Pour le début du troisième vers, les manuscrits flottent. hinnulo, conjecture de Oudendorp, aurait l’avantage d’offrir une équivalence, par l’intermédiaire du grec, avec Cilnius, nom de la famille étrusque à laquelle appartenait Mécène (voir à ce sujet J. J. H. Savage, « The Art of the Seventh Eclogue of Vergil », TAPA 94 [1963] 265-267). Vinnio serait aussi une possibilité, « plus maigre que Vinnius » revenant en l’occurrence à « plus maigre que moi-même » (cf. infra § 12). Quant à la recommandation (désespérée) de Mécène au moment de mourir, elle en dit long sur la menace qui pesait sur Horace ; de fait, moins de deux mois s’écoulèrent avant que le poète ne suivît son protecteur dans la tombe (cf. infra § 16, et le Dossier « Horace assassiné ? ») : O et praesidium et dulce decus meum (Od. I, 1, 2).
(5) Le ton de la lettre est à la fois sarcastique (« tu es mon parasite ») et impérieux, Auguste disposant souverainement de la volonté de Mécène comme de celle d’Horace lui-même. Ce dernier eut néanmoins le cran de décliner cette belle offre d’emploi. Peut-être aussi n’avait-il pas envie de se faire un jour briser les jambes, ainsi qu’il arriva à Thallus, ce secrétaire d’Auguste accusé d’indiscrétion (Suét. Aug. 67). Suétone ne semble pas penser à mal en employant un verbe aussi fort que ingerere à propos de l’amitié que le monarque continua de manifester au poète après son refus. Mais on se demande ce que peut bien être une amitié qu’on vous impose. Au reste, Auguste, qui avait la rancune tenace, n’était pas homme à oublier un tel camouflet.
(6) « Fais comme si tu mangeais à ma table, ainsi que je te l’avais généreusement proposé » : Auguste a l’air en effet de pardonner à Horace en regrettant que sa santé ne lui ait pas permis d’accepter ce poste. Mais la suite est pleine de sous-entendus menaçants (voilés sous une double ambiguïté, référentielle et temporelle). Recte enim et non temere feceris permet en effet plusieurs interprétations : 1) oui, tu ferais bien de t’accorder quelque droit sur moi = nous sommes amis. 2) oui, tu aurais intérêt à accepter. 3) oui, tu aurais eu intérêt à accepter, ce que tu as fait n’est ni sage ni prudent. En somme donc : « soyons amis, Cinna, mais je te tiens à l’œil ».
(7) L’empereur joue avec le poète comme le chat avec la souris. Il fait semblant d’être magnanime et sans rancune, alors qu’il lui montre qui est le maître et l’accuse bel et bien de lèse-majesté (superbus… spreuisti). Septimius ne nous est pas inconnu, il apparaît dans l’Ode II, 6, et pourrait bien s’identifier à Mécène : Septimius noster réfère à Auguste et Horace, comme au § 5 Horatius noster réfère à Auguste et Mécène : c’est cohérent.
(8) Auguste considère visiblement Horace comme son « bouffon » : homuncio, c’est un petit bonhomme, un avorton, et il est fort plaisant. On lui fait même l’aumône une fois ou deux, à l’occasion des commandes, supposera-t-on.
(9-10) Voici les commandes… qui sont des commandements. Aussi bien que l’injonctif irasci me scito (cette colère n’est pas pour rire), prenons à la lettre la question an uereris… ? Auguste a parfaitement compris qu’au-delà de sa personne, et contre elle, Horace en appelle à la postérité, c’est-à-dire, en quelque sorte, à la conscience universelle.
(11) Face à la contrainte, il ne reste au poète pour défendre sa liberté que l’arme de la cacozelia latens, et l’on voit celle-ci à l’œuvre dans ces quatre vers qui ouvrent Epist. II, 1, adressée à Auguste, donc (la traduction est celle de F. Villeneuve, aux Belles Lettres). Littéralement, et risiblement, écrasé par le fardeau des charges qui l’accablent, le grêle solus est à soi seul une insulte aux traditions républicaines de Rome. D’autre part, au moment même où il se défend de gaspiller les précieux instants du prince, le poète s’apprête à enchaîner pas moins de 270 vers, qui demandent une attention de plusieurs heures, ou jours, ne serait-ce que pour y débusquer les nombreuses attaques qui s’y dissimulent à l’encontre du destinataire. Enfin, si l’on garde à l’esprit que c’est celui-ci qui a commandé la pièce, le message implicite pourrait être le suivant : « Toi qui as tant à faire, puisque tu prétends tout gérer et tout régenter à Rome au mépris de nos traditions républicaines, tu as donc encore le temps de t’occuper de littérature ? ». Et que dire si, non content d’écouter des vers, Auguste en écrivait, comme c’était le cas, et comme il en sera (secrètement) question dans l’épître (voir v. 103-117 : et comparer en particulier v. 103-107 à nos quatre vers) ?
(12) Un petit gros ? Nulle part dans son œuvre, en dépit de Suétone, Horace ne se décrit comme corpulent : au contraire même, puisque dans l’Epître I, 20 (v. 24) il se dit corporis exigui, ce qui signifie moins plausiblement « de petite taille » (trad. Villeneuve) que « de faible corpulence ». Sans aller peut-être jusqu’à dire avec Martin Reis (Sport bei Horaz, Hildesheim, Weidmann [1994]) qu’Horace a passé davantage de temps dans sa vie à jouer au ballon qu’à écrire des vers, il ne fait pas de doute que notre poète était sportif (Sat. II, 6, 49 ; I, 6, 122-126, où l’expression ad quartam iaceo fait trébucher les philologues, qui sous-entendent horam, au lieu de uigiliam : en fait de grasse matinée, notre poète se lève avant le jour), et l’on sait aussi qu’il se contentait d’une nourriture frugale (Sat. I, 6, 114-115, 127 ; II, 6 suiv. ; Od. I, 31, 15-16 ; II, 16, 13-14 ; Epist. I, 14, 35, etc). Qu’il n’ait pas été grand, c’est un fait (tibi statura deest), encore que la caricaturale description de Sat. II, 3, 308-311 pourrait bien concerner Auguste et non Horace, mais qu’il ait été replet, laissons cette appréciation à Auguste lui-même, si du moins tel est bien le sens qu’il faut donner ici à corpusculum, alors que d’habitude ce terme veut dire « corpuscule, petit corps, atome ». Rappelons pour mémoire que dans l’Epître I, 4, où le locuteur se décrit comme « un cochon gras et luisant », ce n’est pas d’Horace, mais bien sûr d’Auguste qu’il s’agit ! (cf J.-Y. Maleuvre, La mort de Virgile d’après Horace et Ovide, Paris, 1999, 157-162). Quant à la plaisanterie faite autour du rouleau de papyrus, du tour de taille et du tonnelet (allusion au Taureau de Phalaris ?), comprenne qui pourra, mais il semble que la menace soit d’autant plus sinistre qu’elle se dissimule plus soigneusement. Ce qui nourrit ce soupçon, c’est la première phrase de l’extrait (Pertulit ad me…) : Onysius/Asinus, alias Mécène (cf. supra comment. § 4), le même que le Vinnius Asina de l’Epître I, 13, a remis un ouvrage à Auguste (Epîtres ? Odes ?), que celui-ci regarde comme subversif, ut accusantem, littéralement « accusateur ». De qui ? Tout est là, car le c.o.d. sous-entendu de cet accusantem peut être aussi bien te que me. Auguste joue sur cette équivoque : « ce livre m’accuse, donc il t’accuse (tu te paies ma tête) ». Notons aussi, à propos de ογκωδεστατος,, qu’Auguste se plaît à parsemer ses lettres de mots grecs (cf. ανθυπερηφανουμεν § 5), autant par affectation sans doute que par souci de distanciation, sans compter que le grec permettait des jeux de mots et des énigmes (graece et αινιγμοις, Cic. Att. 6, 7, 1) : ici par exemple il n’est pas exclu que l’adjectif fasse allusion aux braiements de l’âne.
(13) Le texte des manuscrits a été diversement corrigé. Ainsi F. Villeneuve : specula toto cubiculo scortans dicitur habuisse disposita ita ut quocumque respexisset sibi imago…). Le sens de toute façon n’est guère douteux, même si la traduction l’édulcore un peu (le latin, c’est connu, brave l’honnêteté). Ces pitoyables imputations, qu’à elle seule la Satire I, 2 suffirait à détruire, portent une signature, et ce n’est sans doute pas celle de « je ne sais quel grammairien », grammaticus nescio quis, comme le suppose aimablement F. Villeneuve : cf. supra, comment. § 1.
(14) Sabin ou tiburtin ? Sur cette alternative, voir le fameux Poème 44 de Catulle, lequel toutefois ne s’entend vraiment bien qu’à condition d’en attribuer l’énonciation à Jules César : cf. J.-Y. Maleuvre, Catulle ou l’anti-César, Paris, 1998, 143-145.
(15) Élégies, fausse épître, ces œuvres apocryphes n’étaient-elles pas tout droit issues des ateliers impériaux ? On n’en serait guère étonné, sachant la bonne habitude qu’avait Auguste de s’inviter de force dans l’œuvre de ses « chers poètes » : voir sur le site "Virgilmurder" Virgile assassiné par Auguste : Le Dossier. Quant à la clarté du style d’Horace, ce sujet mériterait une longue discussion afin de prendre en compte la technique de la cacozelia latens.
(16) …consulibus post nonum et quinquagesimum diem quam Maecenas obierat, aetatis agens septimum et quinquagesimum annum, herede…: ce texte est celui ingénieusement rétabli par Vahlen (Hermes 33 [1998] 245) à partir de la version transmise par les manuscrits (…consulibus post nonum et quinquagesimum annum herede…), manifestement tronquée. Le fait que Marcius Censorinus, consul en –8, soit le dédicataire de l’Ode IV, 8 pourrait induire à penser que la parution du livre IV des Odes fut posthume : cf. le dossier « Horace assassiné ? », également concernant l’étrangeté des circonstances de cette mort.
Traduction et commentaires: Jean-Yves Maleuvre, 2006, droits réservés
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Mis en ligne sur l'ESPACE HORACE en avril 2006