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CACOZELIA LATENS: Les Odes sous les Odes

UNE NOUVELLE LECTURE DES ODES D'HORACE

Traduction inédite et commentaires par Jean-Yves MALEUVRE

 

III, 26
 
C’en est fait de ma vie au service des filles.
Je n’étais pas mauvais soldat, j’ai eu ma gloire ;
Mais aujourd’hui, fini la guerre : mes armes
Et mon luth resteront suspendus à ce mur
 
Qui garde le flanc gauche de la Vénus marine.
Portez, portez ici les torches enflammées,
Les leviers et les arcs qui hier encore
Menaçaient les battants des portes interdites.
 
Déesse, toi qui tiens la bienheureuse Chypre
Et Memphis qui se rit des neiges sithoniennes,
O reine, de ton fouet très haut levé
Touche une fois au moins l’arrogante Chloé.

• TRADITION

Horace prend sa retraite amoureuse et consacre à Vénus sa lyre et ses « armes ».

• OBJECTION

Si le lien structurel qui unit I, 5 à III, 26 a été clairement mis en évidence par la critique, celle-ci devrait se demander par quelle étrange amnésie le poète a oublié que cette retraite, il l’avait déjà prise dans la première pièce (voir aussi II, 4, 21-24). D’autre part, qui est cette Chloé dont il semble à peine guéri ?

• PROPOSITION

L’énonciateur n’est pas Horace, mais Mécène.

• JUSTIFICATION

Puisque dès l’orée du Recueil (ode I, 5) Horace se dit personnellement hors de danger par rapport à Vénus, et recommande implicitement au naïf amant de Pyrrha d’imiter sa conduite en consacrant comme lui ses vêtements à la divinité marine, il est logique de supposer que la voix que nous entendons à la fin d’un long et douloureux parcours où le crédule « Enfant » est tombé et retombé, n’est autre que celle de ce rescapé lui-même, autrement dit de Mécène.
La métaphore militaire est reprise de ce passage central de l’ode III, 16 où Horace s’était effacé pour laisser Mécène annoncer sa décision de « déserter le camp des riches », c’est-à-dire de renoncer à disputer Terentia à son tout-puissant amant. Aujourd’hui, il consacre à Vénus cet arc qu’il portait encore dans l’ode III, 20 : « Pendant que du carquois tu sors tes traits rapides… ». Sa lyre aussi : celle sur laquelle il chantait la sérénade à la belle infidèle ? Comme ce nocturne exercice est plutôt l’affaire de l’amant (I, 25, 5-8 ; III, 7, 29-32 ; III, 10), on préférera peut-être penser que l’instrument appartient plutôt à Horace, qui l’avait mis au service de l’ami avec lequel il est solidaire.
On ne peut pas dire que le « soldat d’amour » se retire de gaieté de cœur : uixi à lui seul signifie « je suis mort », et defunctum, au v. 3 reste dans ce registre ; on peut percevoir aussi une pointe d’ironie amère dans les compliments qu’Ego s’adresse à lui-même (idoneus, 1, « apte » ; non sine gloria, 2, « pas sans gloire »), voire dans l’emplacement choisi pour le dépôt des armes, la gauche plutôt que la droite. Mais le plus inquiétant, c’est la supplique finale, qui, bien qu’elle laisse dans le flou la véritable nature du châtiment appelé sur Chloé (déjà rencontrée en I, 23), manifeste que la braise couve encore sous les cendres de ce cœur.

 
 
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