ODE I, 5: À Pyrrha — Il lui demande quel est le nouvel amant qu'elle favorise. Il plaint le sort de cet amant, qu'elle doit trahir un jour. Le poète lui-même a éprouvé l'inconstance de Pyrrha.
À PYRRHA
Dis-nous, Pyrrha, quel tendre adolescent, tout baigné de liquides parfums, te presse étroitement sur un lit semé de roses, à l'ombre d'un antre charmant ? Pour qui, dans tes simples atours, rattaches-tu les blondes tresses de tes cheveux ? Hélas ! que de fois il pleurera ta foi perdue, ses dieux changés ! Peu fait encore à ces mers où il court, un jour il les verra avec stupeur troublées par d'affreuses tempêtes, lui qui maintenant, crédule et ignorant les vents trompeurs, te possède tendre, fidèle, et t'espère toujours aimante et libre d'un autre amour. O malheur à ceux qu’éblouit ta beauté, et qui ne savent pas combien elle est décevante ! Les murs sacrés du temple signalent mon naufrage: j'y ai voué au dieu des mers mes humides vêtements.
v.1 : gracilis, « svelte ». C'était pour les anciens la beauté la plus recherchée.
v.2 : Urget, te serre, te presse, t'enlace.
v.8 : emirabitur. Seul exemple de ce mot dans la bonne latinité.
v.13 : Me tabula sacer. Chez les anciens, ceux qui s'étaient sauvés d'un naufrage faisaient représenter dans
un tableau ce qui leur était arrivé, et consacraient ce tableau dans le temple du dieu auquel ils s'étaient adressés dans leur détresse, et au
secours duquel ils croyaient devoir leur salut. Les poètes font souvent allusion à cet usage :
Fracta rate naufragus assem
Dum rogat, et picta se tempestate tuetur.
(Juven. Sat., xiv.)
Cantas quum fracta te in trabe pictum
Ex numero portes ?
(Pers. Sat., I.)